ASBL et Fondation privée : modification importante de la taxation annuelle

 

Les ASBL et les fondations privées ont de quoi s’inquiéter : la taxe compensatoire des droits de succession, actuellement à 0,17%, change drastiquement.

Ce changement de taxation est d’application à compter de ce 1er janvier 2024.

1.    ASBL et Fondations privées : taxe compensatoire des droits de succession

Les ASBL, AISBL et fondations privées sont actuellement soumises à un impôt annuel de 0,17 % sur le patrimoine global, patrimoine excédant 25.000,00 EUR. Certaines ASBL fondées avant le 11 juillet 1921 sont toutefois exonérées dans certains cas, tout comme les fondations privées pour certification d’actions et les fondations d’utilité publique.

a)    Nouvelle taxation par l’application d’un tarif progressif

A compter de ce 1er janvier 2024, sont désormais taxables, mais exonérées jusqu’à concurrence de 50.000,00 EUR, les entités suivantes : « les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations privées, régies par le code des sociétés et des associations ». D’autre part, les avoirs sont spécifiés par « […] l’ensemble des avoirs des redevables en quelque lieu qu’ils se trouvent ». Cela comprend donc les avoirs détenus à l’étranger y compris, ce qui, jusqu’à présent, n’était pas le cas pour les immeubles.

Le nouvel article 152 c.s. revoit le tarif applicable : il ne sera plus forfaitaire. Il est transformé en tarif progressif, à savoir :

- 0,15% sur la tranche de 50.000,01 € à 250.000,00 €

- 0,30% sur la tranche de 250.000,01 € à 500.000,00 €

- 0,45% sur la tranche qui excède 500.000,01 €.

En vertu de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, une définition plus précise relatives aux ASBL s’occupant des pensions est mentionnée : « chargées, par ou en vertu de la loi, de la gestion du paiement de pensions légales » (article 149, 3° c.s.). L’article actuel du code des droits de succession a en effet été considéré comme trop restrictif par ladite Cour Constitutionnelle.

Rappelons que ces ASBL sont exonérées de la taxe compensatoire dont nous parlons aux présentes.

Par contre, les ASBL fondées avant le 11 juillet 1921 ne sont désormais plus exonérées, comme le prévoyait explicitement l’ancien article 149 2° c.s.

Enfin, constatons que le nouvel article 150 c.s. rajoute en son sein plusieurs alinéas, de 6° à 11°. Ils permettent d’éviter la prise en compte de certains avoirs particuliers à concurrence d’un pourcentage défini, et une réduction particulière en pourcentage pour le secteur des entreprises de travail adapté et certaines maisons médicales, ainsi que d’autres secteurs, dont nous parlons au point C ci-après.

b)    Prise en compte de l’imposition étrangère

Afin d’éviter une double imposition en cas de biens meubles et immeubles à l’étranger, il a été rédigé un article 150/1 c.s. transposant une imputation de l’imposition éventuellement payée dans le(s) pays étranger(s).

Ainsi, pour autant que l’impôt soit équivalent à celui du pays étranger, la taxation sera réduite à concurrence du montant payé dans ledit pays. Il conviendra bien entendu de transmettre les justificatifs adéquats. Pour autant que besoin, le redevable aura cinq ans pour déposer les documents étrangers et obtenir ainsi une restitution, le cas échéant.

Il est agréable de lire que les entités dont les avoirs sont exonérés (pour rappel, moins de 50.000,00 EUR), seront dispensées de déposer une déclaration, ce qui facilitera le travail administratif.

Pour les anciennes taxations ne dépassant pas 500,00 EUR, il était possible de payer immédiatement pour une période de trois ans, et ainsi ne plus déposer durant cette période la déclaration. Cette possibilité est désormais supprimée (ancien article 156 c.s.). Un régime transitoire est prévu.

2.    Neutralité de la pression fiscale pour le secteur des soins [de santé] ainsi que d’autres entités spécifiques :

Les hôpitaux, établissement pour personnes âgées ou handicapées, majoritairement établies en ASBL, ainsi que toute entité s’occupant de soins, avaient fait pression afin d’éviter la hausse de la taxation dans leur chef, d’autant avec les problématiques budgétaires récurrentes dont font l’objet certaines de ces entités.

Ils obtiennent une certaine neutralité fiscale, voire pourraient même diminuser leur taxation actuelle.

Le nouvel article 150 6° c.s et suivants prévoit un régime spécial par lequel 62,3% de leurs avoirs ne seront pas pris en considération. Or, la plupart de ces entités tombe dans le champ d’application des 0,45% de la taxation nouvelle, de sorte qu’avec ce régime spécial, ladite taxation restera telle qu’actuellement. Si leurs avoirs est moindre que 500.000,01 EUR, la fiscalité sera par ailleurs plus avantageuse qu’aujourd’hui. Il s’agit donc d’un bonus fiscal pour celles-ci !

Sur ce dernier point, attirons toutefois l’attention des entités que certaines d’entre elles devront absolument réaliser un chiffre d’affaire de minimum 50% relativement à cette activité (ndlr : de soins), ou qu’au moins 75% du patrimoine de l’entité taxable doit être affecté aux soins, hôpitaux, établissement pour personnes âgées ou handicapées ou maisons médicales. A défaut, elles ne pourront percevoir l’avantage de ce régime spécial, … et tomberont alors dans le régime normal avec les taux repris ci-avant.

Il réside malgré tout une problématique à moyen et long terme : tout comme les taux des droits de succession, l’indexation des montants repris au nouvel article 152 du Code des Droits de Succession n’est pas prévue. Inexorablement, au fil du temps, la taxation rapportera plus au budget de l’Etat …

3.    Amendements récents

Le 14 décembre 2023, plusieurs amendements ont été déposés au Parlement fédéral afin que différents secteurs particuliers ne soient impactés.

Nous parlons ainsi de l’Enseignement, de certaines maisons médicales qui auraient pu ne pas rentrer dans le champ d’application de la nouvelle loi, de certains secteurs culturel et sportif, de musées ou bibliothèques et centre d’archives spécifiques (privées, par exemple, d’un intérêt culturel historique certain), ainsi que des refuges pour animaux.

Rappelons que l’article 149 4° du code des droits de succession exonère de cette taxe « les pouvoirs organisateurs de l'enseignement communautaire ou de l'enseignement subventionné, pour les biens immobiliers exclusivement affectés à l'enseignement, et les associations sans but lucratif de gestion patrimoniale qui ont pour objet exclusif d'affecter des biens immobiliers à l'enseignement dispensé par les pouvoirs organisateurs précités ».

Cet article reste inchangé. Les principaux concernés connaissent la subtilité : si les immeubles ne sont pas pris en compte, le cash, par exemple, permettant d’améliorer, conserver, voire de construire de nouveaux bâtiments pour les établissements scolaires n’est quant à lui pas exonéré par cet article.

L’amendement n°28 de Madame Catherine Fonck (Les Engagés) le mentionne d’ailleurs explicitement et à juste titre.

C’est finalement grâce à un amendement du 28 décembre 2023 que certaines entités spécifiques pourront également avoir droit à la même imposition que le secteur des soins de santé.

Outre dès lors les soins de santé (hôpitaux, maisons médicales, etc.) dont nous avons parlé ci-avant, il a également été pris en compte les entreprises de travail adapté, associations de santé intégrées et centres de santé de quartier, refuges pour animaux ayant reçu l’agréation prévue par l’article 5 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux ou l’agrément prévu par l’article D.32 du Code wallon du Bien-être des animaux ainsi que les centres d’archives privées agréées. 

4.    Quelles solutions ?

Rappelons que les fondations privées pour certification d’actions et les fondations d’utilité publique ne sont pas concernées par cette nouvelle loi.

Mais qu’en est-il pour les autres ?

Nous pensons aux différentes ASBL entrant dans les conditions de l’agrément fiscal, qui, rentrant dans le champ d’application de ces nouvelles dispositions, sont exigibles à cette nouvelle législation et dès lors taxées.

a)    Transformer l’ASBL en Fondation d’Utilité Publique

Pour autant que possible, il nous semblerait opportun de passer en Fondation d’Utilité Publique, ce qui permettrait alors, et pour autant bien entendu qu’elles soient acceptées d’utilité publique, d’éviter l’application de la taxation.

Si l’ASBL a demandé l’agrément fiscal et l’a obtenu, il est probable qu’elle puisse être éligible à cette qualification de Fondation. En effet, la Fondation d’utilité publique est éligible à ce titre lorsqu'elle tend à la réalisation d'une œuvre à caractère philanthropique, philosophique, religieux, scientifique, artistique, pédagogique ou culturel, ce à quoi bon nombre d’ASBL pourraient déjà prétendre.

Certaines ASBL avaient déjà fait ce choix il y a quelques années. Cela nous semble encore plus d’actualité aujourd’hui.

Dès lors, il est vivement conseillé que ces ASBL concernées puissent se renseigner utilement. Ainsi, le patrimoine dont elles sont détentrices servira aux fins mentionnées dans leurs statuts plutôt qu’au paiement d’un impôt dont elles pourraient se défaire de par la loi.

b)    Diviser les entités en plusieurs entités : une mauvaise idée ?

La réflexion qui peut venir à l’esprit serait de fractionner en plusieurs entités les avoirs, en lieu et place du regroupement actuel en une seule entité.

A moins d’avoir une réelle plus-value à cette scission et avoir toutes les cartes en main pour la justification sociale et/ou patrimoniale, il nous semble que l’abus fiscal pointera le bout de son nez, à juste titre.

Outre la justification à cette réorganisation par scission, il faudra nommer un/des nouveau(x) conseil(s) d’administration de(s) entité(s) nouvellement créée(s). Par ailleurs, les coûts supplémentaires à la tenue de l’administratif, de la comptabilité, ainsi qu’à d’autres frais classiques devront être pris en compte pour cette décision.

En dehors de ces aspects « frais fixes », si l’entité doit par ailleurs faire appel à un crédit dans le cadre de ses activités, ou qu’une banque a déjà prêté des montants sur base du patrimoine actuel, il se pourrait que les banques soient plus frileuses à l’idée de transmettre des fonds alors que les garanties qu’elles pourraient demander ne sont plus aussi suffisantes qu’avant scission.

Nous pensons par ailleurs que nul doute que si les statuts et le conseil d’administration sont (quasi) identiques, et cerise sur le gâteau, le bénéficiaire principal n’est autre que l’ancienne entité avant scission (ou inversement), l’Administration fiscale viendra vous notifier un abus fiscal et taxer ainsi l’ensemble des entités, telle une seule.

A ce sujet, notons qu’à la lecture de l’exposé des motifs de l’article 24 du projet de loi voté, le dernier paragraphe de la page 20 fait explicitement mention de cet abus fiscal si « […] aucun motif non-fiscal substantiel ne peut être démontré […] » en cas de scission en plusieurs ASBL/fondations, et ce « […] sans discussion possible […] ».

Le paragraphe suivant est encore plus clair : « En effet, en l’absence de motif non-fiscal substantiel, la scission ne saurait s’expliquer que par la volonté d’échapper à la progressivité mise en place par cette loi dans le cadre de la réforme de la taxe ». Enfin, les paragraphes suivants font également mention du même principe lorsque plusieurs ASBL/fondations sont nouvellement créées, sans scission à l’origine, mais dans le cadre d’un nouveau projet.

Il ne nous apparaît dès lors pas opportun, à notre sens, de partir vers cette voie, à moins, bien entendu, qu’une réflexion plus large ait été ou soit entreprise en vue de simplifier la gestion du patrimoine mais également la gestion quotidienne et/ou sociale de l’ASBL ou de la Fondation privée.

L’aspect fiscal doit alors venir en second lieu, ensuite de l’analyse structurelle.

Rutger Van Boven – Guillebert van Derton

BDO Estate Planning

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